Donovan Christien: les 26 règles pour devenir un champion
"26 règles pour devenir un champion"! Un certain François Ducasse les a énoncées dans un bouquin que j'avoue ne pas avoir lu. Je me suis paresseusement limité à l'énumération des 26 règles. Et je me suis aperçu que Donovan Christien qui a gagné de haute lutte à Carhaix sa sélection pour les championnats d'Europe de cross à Bruxelles (10 décembre) cochait à peu près toutes les cases. Ce que Ducasse ne dit pas, c'est qu'à la base, quelques prédispositions naturelles sont indispensables pour atteindre les sommets. Autrement dit, je peux bien suivre à la lettre les 26 règles édictées, cela ne fera pas de moi un champion. Mais pour s'extraire de la masse des athlètes qui ont le potentiel, Donovan Christien applique Ducasse. Peut-être sans le savoir mais peu importe. Voici quelques unes de ces règles! Prenons-en de la graine (de champion).
Légende: Le Guiscrivite, Donovan Christien, un esprit sain dans un corps sain, possède un tempérament de champion. Case par case, un décorticage à la Ducasse (l'écrivain pas le chef cuisinier étoilé). Crédit photo: DR
FAIRE DES CHOIX : A l'origine, entre foot et athlé, le coeur de Donovan balance. C'est sa maman qui témoigne : "Il a toujours aimé courir, d'abord après la balle. Il fallait qu'il bouge. Il a dû commencer le foot vers 6/7 ans". L'histoire ne dit pas si le club de Guiscriff a laissé échapper une future star du ballon rond. Toujours est-il qu'à l'adolescence, le garçon abandonne le foot pour l'athlé. "Assez naturellement parcequ'il gagnait tous les cross du collège." Le club de l'US Bannalec lui fait-il les yeux doux ? Cela ne se passe pas exactement comme ça. La parole cette fois à Xavier Le Cras, son premier entraîneur à l'USB. "J'entrainais à l'époque une génération de cadets/juniors d'un niveau moyen qu'on souhaitait étoffer. On demande à nos athlètes s'ils n'ont pas des copains désireux d'intégrer le club. C'est Julien Bourhis qui va nous ramener un certain Donovan Christien. On a tout de suite compris qu'on tenait un sacré coureur..."
AVOIR DE L'AMBITION : "Il aimait bien la bagarre et avait un gros esprit de compétition", rappelle Erwan Richard son partenaire de club depuis l'adolescence. "Lors de nos premiers contacts, je l'ai tout de suite trouvé ambitieux et lucide, renchérit Kevin Le Clerch qui l'a pris en charge en junior. Je me souviens de la première compétition à ses côtés (France cross junior Saint-Galmier 2017) où il me disait la veille vouloir finir top 50. Ambitieux ! Course prudente et en remontée, il termine finalement 49e ! Ca a donné le ton."
NE RIEN LÂCHER : Donovan Christien, c'est aussi un athlète qui s'est donné les moyens de réussir, qui a pris le risque de se consacrer exclusivement à l'athlétisme sans que l'avenir ne lui offre beaucoup de garanties. "La Fédé aide surtout les athlètes déjà confirmés, les athlètes de haut niveau qui au final n'en ont pas vraiment besoin", me confiait-il récemment. Qu'à cela ne tienne : Pour se donner toutes les chances d'accéder au plus haut niveau, Donovan quitte le cocon familial (en restant toutefois fidèle à son club d'origine) et s'en va intégrer à Bourges le groupe de Patrick Ribeiro (entraîneur de Bastien Augusto). Juste récompense de cet exil, il y gagne une nouvelle dimension et décroche un contrat chez l'équipementier suisse ON. De quoi envisager l'avenir avec plus de sérénité.
AVOIR CONFIANCE EN SOI : La confiance, dans le cheminement d'un athlète c'est la condition sine qua non de la réussite. Là dessus, tout le monde est à peu près d'accord. Donovan Christien a su la gagner, l'apprivoiser. Le déclic ? "Peut-être je pense sa médaille nationale au cross court à Montauban (novembre 2021) qui a marqué un tournant dans sa prise de confiance. C'est cette prise de confiance en lui qui a été le déclencheur", présume Kevin Le Clerch.
SE FIXER DES OBJECTIFS : C'était quelques instants seulement après que Donovan eut coupé la ligne d'arrivée à Carhaix avec à la clé une 4e place qualificative pour les Europe de cross. A peine le temps de savourer que le Bannalécois se projetait déjà vers Bruxelles. Avec en filigrane l'idée de prendre une petite revanche par rapport à Turin qui lui aura laissé l'an passé un souvenir mitigé : une magnifique première place par équipes oui mais aussi un douloureux coup de pointes au départ qui l'écartera de la lutte pour les premières places. "A Bruxelles, je vise un top 15." Ce qui constituerait une sacrée perf au regard du contexte.
PRENDRE SES RÊVES AU SÉRIEUX : Le rêve ultime, ce serait une participation aux JO de Paris sur 5000 mètres. Pour cela, il reste une place à prendre et des minima à assurer. "C'est peut-être fou ou prétentieux de dire que je peux y parvenir mais j'y crois. Et au pire, je tenterais de décrocher ma qualification 4 ans plus tard à Los Angelès." C'est cela aussi Donovan : un athlète qui prend ses rêves au sérieux, qui "a toujours su ce qu'il voulait." Ca, c'est sa maman qui le dit.
Qu'est-ce qu'il raconte encore, Ducasse ? Je commence à m'essouffler ! Règle n°15 : Entraîner son entraîneur ! Là, faudra qu'on m'explique parce que Patrick Ribeiro peut toujours s'accrocher derrière Donovan ! La suite ? Règle n° 22 : Garder une part d'animalité. Tiens donc ! Alors ? Loup ou agneau, Donovan ? Je dirais un peu des deux. Sur le terrain un loup. "Il n'a jamais aimé perdre. Depuis tout petit, il fallait qu'il soit toujours le premier", a fini par lâcher la maman. En dehors du terrain, en revanche "Un athlète très humble comme j'en ai rarement rencontrés", m'a confié Xavier Le Cras. "Un bon copain qui ne manque pas de revenir courir avec moi quand il revient à la maison". Si c'est son partenaire de club Erwan qui le dit... "Il est resté le même. Simple et bosseur", a insisté Madame Christien. Ah ! L'amour d'une mère...
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec