" Le sport m'a donné un métier", suivre son chemin intérieur à l'adolescence, rompre avec le système scolaire juste avant le baccalauréat et vivre à fond de sa passion, beaucoup en rêvent sècretement mais très peu passent aux actes. Par peur de l'incertitude, de l'avenir, ces individus qui choisissent leur propre voie, sont extrêmement déterminés à la réussite. Quel autre choix de toute façon? Grégory Rosec est le meilleur pongiste handisport Français de la dernière décennnie avec deux médailles olympiques, à Athènes en 2004 avec le bronze et à Londres par équipe en 2012, toujours du même métal. Les jeux olympiques de Rio de Janeiro 2016 marqueront le clap de fin d'une carrière à très haut niveau de 22 ans.
Grégory Rosec, le poing rageur de la victoire. Crédit photo: D-Echelard
Grégory Rosec dans ses oeuvres. Crédit photo:D-Echelard
Pour ses derniers jeux olympiques à Rio de Janeiro, il espère achever sa carrière au sommet. Crédit photo: D-Echelard
Tout plaquer pour le sport de son coeur, Grégory Rosec a tenté comme il dit par ses propres paroles ce coup de poker, dès 17 ans. Originaire par ses deux grands-pères du Pays Bigouden et de Tréogat, le Havrais a gardé un tempérament bien breton de l'obstination et de la détermination à tracer sa route, contre vent et marée. " J'ai toujours eu la fibre sportive. J'ai un handicap de naissance, qui s'est dégradé vers l'âge de 15 ans avec la croissance des membres. J'avais une autonomie debout avec l'aide d'une canne, hormis pour faire du sport où je pratiquais en fauteuil roulant. Jusqu'à 20 ans, où cet outil me suit dans tous mes déplacements. J'aimais le sport collectif comme le basket-ball mais je préfère les sports individuels de par ma nature. Quand ça ne marche pas, on ne rejette pas la faute sur les autres. Au tennis de table, on perd seulement pour deux raisons: soit l'autre est meilleur, soit tu n'as pas été bon".
Dès le collège, il tombe sur un des maîtres de la discipline mondiale handisport, en entraîneur principal avec le double médaillé d'or olympique, Michel Peeters, à Séoul (1988) et Barcelone (1992) et multiple champion du monde et d'Europe. Le tennis de table devient une obsession et une passion. Le principal moteur de sa réussite. " Je ne connais qu'un ingrédient, le travail. Pendant quelques années, je m'y suis consacré cinq à six heures par jour. C'est le prix à payer dans le haut-niveau. On le fait par passion car ça nous coûte plus d'argent que ça en rapporte. Un sportif peut avoir des aptitudes au départ mais avec le travail, on peut arriver à tout".
Je ne pouvais pas arrêter ma carrière sur un échec
L'apprentissage de l'humilité et du courage est également une des forces de Grégory Rosec. La fidélité aussi à un entraîneur, Eric Duduc, depuis 5 ans. Quand ce dernier part de Lyon pour l'Allemagne en 2012, à Berlin, leur relation ne change pas. Elle tient avec des entraînements à la semaine. " Je ne voyais pas prendre un autre entraîneur. Dans la relation entraîneur/entraîné, la confiance est un élément déterminant. Quand j'adhère à un discours, je fonce et mets tout en oeuvre pour y arriver. Quitte à ne pas voir ma femme et mes deux enfants, une semaine par mois quand je pars sur Berlin. C'est dur mais je le fais aussi pour eux. Ma femme, Christelle, a trouvé les mots pour me remotiver de prolonger encore sur une olympiade en 2016, à Rio de Janeiro. Ca sera la fin de ma carrière sportive".
Pour tenir le cap d'une telle longévité, il faut être très solide mentalement, déterminé et physiquement très bien préparé. Or, dans le périodes de doute, la famille est un socle immuable, qui se solidifie autour d'un projet. " Je voulais tout arrêter après ma 4ème place de Londres 2012. J'avais tellement voulu l'or. Ma défaite en demi-finale a été comme un contre-coup terrible. Pour le match pour la médaille de bronze, je n'ai même pas joué tellement j'avais encore cette défaite en tête. J'ai pris 3-0. Les chances de médaille sont tellement rares. C'est après-coup que j'ai réalisé mon énorme erreur. Ca a été un grand moment de tristesse. Dans ces moments-là, on peut être friable, mais aussi retrouver une motivation intérieure pour revenir plus fort. Je ne pouvais pas arrêter ma carrière sur un échec. Ca ne me définit pas. A Rio de Janeiro, je veux finir sur une médaille"
Constamment dans les dix meilleurs mondiaux depuis une décennie, Grégory Rosec possède le vécu et l'expérience pour gérer au mieux ces derniers 500 jours de compétiteur jusqu'aux jeux. La raquette, compagnon de tant d'aventures, sera alors rangée dans un placard. Pas très longtemps, car son fils de 7 ans est déjà accroc à la balle jaune de tennis. " Il a raison. Ca gagne bien plus (rires)". Grégory Rosec, pour toute sa carrière, sa dévotion constante dans l'effort, mériterait tant un dernier podium olympique. Rio inscrira un point final à son histoire avec le haut niveau. Au pays de la pensée positive et du Carpe Diem, il esquissera certainement un sourire à la fin de cette quinzaine brésilienne. Sa décision de tout lâcher pour le tennis de table était la bonne. Ce sport lui a donné un palmarès, une reconnaissance, et un travail à la mairie du Havre. Son acharnement est déjà recompensé du plus beau des métaux.
Christophe Marchand
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