Quand d'autres tirent la langue, ahanent (c'est dur à dire!) et reprennent difficilement leur souffle, Thomas Le Lons coupe la ligne d'arrivée avec l'insolente légèreté de celui sur lequel l'effort n'a pas de prise. On a l'impression qu'il est sorti au sprint du bosquet d'à côté où il se serait camouflé pendant toute la course avant de venir cueillir les lauriers de la victoire. Impression erronée ! L'ultra-traileur plomelinois connaît le sens du mot souffrance et il a expérimenté plus d'une fois -comme le quidam du macadam - celle qui mène à l'abandon. "A la Réunion par exemple, sur la Diagonale des Fous, au bout de 90 kilomètres, j'ai dû me résoudre à prendre le banc de touche, confie l'ex-footballeur de Kerfeunteun (le bougre a joué en 14 ans Nationaux). Chaleur, difficultés techniques du parcours et... genou bloqué. Abandon ! Sur de telles distances, il faut savoir gérer l'effort. Ma crainte, c'est toujours de me laisser aspirer et de partir trop vite. C'est ce qui m'est arrivé par exemple au Trail Glazig (59 kilomètres). J'ai craqué au 42e kilo alors que je pensais avoir course gagnée. Autant te dire qu'ensuite la fin de course est compliquée. Même chose sur le marathon de Paris cette fois. Départ rapide et résultat final en deçà de ce que j'espérais (2 h 38 tout de même)"
Légende: Thomas Le Lons, imprresionnant de facilité, ce dimanche, au Cap Sizun, sur le 50 km. Crédit photo: DR |
Mais à côté de cela, le parcours de ce garçon à la foulée légère et à l'esprit rieur, est semé de victoires et de jolies réussites. "Ma plus grosse perf ? Sans doute une 20e place au Templier à Millau, un trail extrêmement relevé. Mon plus long trail ? La CCC autour du Mont Blanc soit 105 kilomètres."
Si le traileur aime à se confronter à des parcours XXL, il se fiche bien en réalité des superlatifs et c'est paradoxalement dans la solitude des petits matins lumineux que le sociable Plomelinois aime à se ressourcer. "Je recherche et revendique ce côté solitaire. Mon plaisir, c'est par exemple de laisser mon fourgon à Douarnenez et de partir par les sentiers côtiers jusqu'à Camaret pour une virée de 85 bornes avec mon sac à dos. Je prends le temps de regarder le paysage mais pas le chrono. A l'occasion, je m'arrête, tire une photo pour capter la lumière matinale et je repars. Le temps que je vais mettre ? Je m'en fous !"
Le seul partenaire d'entraînement que Thomas consent volontiers à inviter dans ses folles chevauchées : son père, Arnaud, l'ex-footballeur du Stade Quimpérois et de l'AS Plomelin, converti lui aussi au trail, celui qui a fait tomber le fiston dans la marmite. (la maman et le ''petit'' frère sont également des sportifs accomplis). "Mes parents, je leur dois par exemple une certaine facilité à respecter une hygiène de vie indispensable à la course à pied."
J'entends déjà les lecteurs et les lectrices de Newsouest se pâmer : ce coureur sensible, ce garçon délicat, c'est ce qu'on appelle le fis parfait, le gendre idéal (son coeur est déjà pris ), non ? La vérité nous oblige toutefois à révéler deux aspects atypiques de la personnalité du traileur aux semelles de vent : 1) Quand sonne l'heure du départ, Thomas troque son costume de dilettante contre un féroce esprit de compétition. "Oui, oui, je l'avoue. Je suis un compétiteur. Bien évidemment, sur le parcours, je suis prêt à aider un coureur en difficulté ou en panne de ravitaillement mais dans l'âme, je reste compétiteur. Et pendant la course, je suis dans ma bulle. Rien ne peut m'en faire sortir. Je ne pense qu'à boire, manger et courir."
Voilà qui est dit et proprement assumé :) 2) A ce goût immodéré pour la compétition s'associe une passion pour la musique mais pas la musique douce, Oubliez l'image de Thomas en joueur de flûte entraînant à sa suite 1499 traileurs. Non, c'est pour le Rap pur et dur, le rap américain que notre barbare traileur en pince et dimanche encore, par les sentiers escarpés du Cap Sizun, face au majestueux panorama de la pointe du Raz, le groupe de Rap ''Future'' (les spécialistes apprécieront la précision), aura rythmé la course de Thomas Le Lons. "Et tiens-toi bien, renchérit ce dernier, c'est le même titre qui va tourner en boucle pendant 4 heures." Ou peut-être un peu moins (1) car Thomas - aurais-je omis de le préciser - c'est à la fois un garçon (très) attachant et un sacré traileur !
(1) Dernière minute : 3 h 39', C'est le chrono réalisé dimanche par Thomas, vainqueur du 50 bornes du Cap ! Une très grosse perf réalisée par notre traileur devant une bonne partie de sa sympathique famille.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec