" 100 km de vélo, le dimanche, cancer le mercredi "
Accrochez votre ceinture, ça va secouer! " 95% de chances que ça se passe bien, vous êtes sédentaires, vous ne fumez pas, ni ne buvez pas...", lui explique un gastro-entérologue, suite à une lésion aperçue, au début de l'été 2022. Se pensant benigne, elle a entraîné, au contraire, un véritable séisme, à une hauteur d'échelle inconnue. Telle est la vie d'Eric Le Roi, ancien joueur à l'US Châteauneuf du Faou, des DC Carhaix, à l'ES Kerfeunteun ou FC TGV, qui a basculé du jour au lendemain, un jour de Juin 2022. Diagnostiqué au stade 3 du cancer colorectal, sa vie a changé du tout au tout, du jour au lendemain, avec une priorité, revenir au port, à chaque journée. " Le cancer est comme un bateau qui quitte le port, et qui ne sait pas s'il le retrouvera". Ce voyage au large, Eric Le Roi est en plein dedans, avec des hauts, beaucoup de bas, mais la foi inébranlable de s'en sortir grâce à l'amour des siens, qui est son socle en acier forgé, sa compagne, Nelly et ses deux filles, Alwena et Maolenn et son psychanaliste, comme il l'appelle affectueusement et avec humour, son vélo, qui lui a fait ressortir sa rage, ses cris, ses sueurs et ses larmes. " Je me suis toujours dit, que j'ai 5% de mon corps abîmé et 95% nickel. La seule question que j'ai posée, je ne voulais pas connaître mon stade au départ, c'est est-ce qu'on va le faire, docteur? Quand il m'a répondu, oui, je me suis mis dans ses rails"
Légende: Avec sa femme, Nelly, Eric Le Roi est revenu au port à chaque journée, propulsé, malgré lui, dans une terrible épreuve de la vie, qui a tout boulversé, sans ravager son état d'esprit, au-dessus de tout.
Ce cancer colorectal, cette saloperie accrochée comme une sangsue à sa proie, est extrêmement difficile moralement, psychologiquement et physiquement à s'en démettre, mais Eric Le Roi, 53 ans, a fait front, avec l'appui du sport, qui a toujours été son compagnon de longue route. Et qui se révèle encore son précieux allié, dans cette course contre le montre, transformée en marathon.
" Le vélo a été mon meilleur pote et mon meilleur confident. On pleure sur un vélo, on ne triche pas, on sort toutes ses ondes négatives. Quand tu es au fond du trou, il est là pour savoir combien tu as encore d'essence dans le coffre. Au pied d'une bosse, tu ne peux pas tricher avec toi-même. C'est un exutoire formidable. Je me suis toujours dit, du premier de l'annonce de mon cancer à aujourd'hui, si je meurs, ça ne sera pas par le rectum", confie Eric Le Roi. " Il n'y a pas de bonnes journées sans sueur", cette phrase est ancrée, et son vélo, son miroir, à qui il rendait sa vérité.
" Monter dessus valorisait ma journée, elle lui donnait un sens. C'est ma bouffée d'oxygène, même avec mon cancer, je puise l'énergie pour faire des sorties entre 70 km et au-delà de 100 km. Avec mon compagnon, Nicolas Le Bescond, qui me suit quand je suis en capacité de les faire. Le sport est mon bâton de maréchal, celui qui me tient debout. Je roule avec ma poche de stomie, qui recueille mon liquide. Même une réunion de famille, à Châteauneuf du Faou, j'enfourche mon vélo pour venir. Le sport a toujours été l'élément qui m'a fédéré, dirigé ma vie, me l'a construite, permis d'être en accord avec moi-même"
Avec plusieurs scanners, une centaine d'heures de chimio-thérapie, des dizaines de séances de rayon X en un an, 90 rendez-vous médicaux, Eric Le Roi avance dans la maladie, avec un élan et une détermination qui frisent l'admiration. Un exemple de jusqu'où l'humain est capable d'aller chercher, en profondeur, vers des zones que seuls ceux qui y ont été confrontées, peuvent comprendre et témoigner.
" Si je veux apparaître en découvert, c'est aussi pour alerter les gens. Généralement, un homme fait le test de la pochette bleue, à 50 ans. A 50 ans, il reçoit sa première poche bleue en boîte aux lettres, directement chez lui, mais n'attendez pas ce moment-là, aller demander à votre médecin et à votre pharmacie, cette fameuse poche bleue, ça ne coûte rien et ça peut sauver de nombreuses vies. Je suis un bon exemple, ayant toujours été un grand sportif, sans cigarette, ni boissons. Le dimanche, je faisais une sortie de 100 km, le mercredi, on m'apprenait que j'avais un cancer stade 3 colorectal".
Ce cataclysme, Eric Le Roi est encore dans le tourbillon, avec une stabilisation, des améliorations, qui valent tout l'or du monde. " Le 4 juin 2023, j'ai maintenant quatre heures tranquille, dans une journée. Monter sur un vélo était aussi synonyme pour moi que mon derrière me foutait la paix. Ca n'avait pas de prix".
Commerçant pendant 18 ans, gérant d'une échoppe de sandwicherie, avec sa femme, aux Halles de Quimper, ce cancer colorectal a été un tsunami, qui a tout ravagé sur son passage. " Mon combat a été de rester en vie, pendant ses 15 mois. J'ai toujours l'envie de travailler, mais intégrer une structure maintenant qui me dira quoi faire, sans cette charge mentale importante d'être à son compte, de devoir penser à tout, tout le temps. Je veux néanmoins garder cette vie sédentaire. Je ne mange pas de la journée, la maladie casse les certitudes. Une poche bleue est un magnifique cadeau à faire"
Compétiteur depuis l'enfance, avec le football en moteur " J'ai aimé le football de suite. Ce que j'aimais dans ce sport, c'est donner naissance à quelque chose de fort, avec tes partenaires. Le football a été une partie de ma vie. Quand je prenais un 0-3, le dimanche, le lundi soir, j'allais courir tout seul. La semaine, c'était juste une montée en ébullition, pour le match, le week-end. Il y' avait un épanouissement général à être dans l'équipe. Le football, ça a été des moments magiques".
Encore dans son combat, avec le sport, en baromètre de sa maladie, le vélo, dans la peau de son psychologue, et l'aide indéfectible de sa femme, et de ses deux grandes filles, . " Je me suis aperçu quand j'ai fêté mon anniversaire à quel point leur univers avait été bousculé aussi. Mes filles avaient beaucoup gardé à l'intérieur. J'aurai ressenti beaucoup plus la douleur, si ça avait touché ma femme ou mes filles, je préfère mille fois la prendre pour moi. Forcément, ça impacte toute la famille, mais mon exemple doit permettre au plus de gens possible de faire le test le plus tôt possible. Si jamais il y'a quelque chose, d'être pris en charge le plus tôt possible pour un cancer qui se guérit".
Ce témoignage fort et poignant est aussi un marqueur de relativiser l'importance de nos faits et gestes quotidiens. Il recentre évidemment sur les priorités d'une vie sur terre. Eric Le Roi avait tout, du jour au lendemain, son quotidien et celui de ses proches s'en est trouvé bousculés.
Une tempête infernale, qui l'a secouée énormément, mais à force de conserver un mental fort, avec ses hauts et bas inexorables, l'équilibre est en train de se reconstruire, avec un sentier de petits bonheurs, un chantier de petites victoires. Et ce vélo, fidèle compagnon, avec son cadres, ses deux roues, qui sait tout de l'âme intérieur mais qui gardera à jamais ses secrets dans ses tuyaux et boyaux inoxydables. Comme le tempérament d'Eric.