Tel Midas, le héros de la mythologie grecque, Laurent Bezeau, 47 ans, pare d'or tout ce qu'il construit ou bâtit. Entraîneur du Brest Bretagne Handball, premier de ses disciples à remporter une coupe de France féminine à la tête d'une équipe de deuxième division, il reste un acharné de travail qui ne jure que dans l'accomplissement et la réalisation. Toute autre élément n'est que superflu et illusoire. Laurent Bezeau se définit volontiers auto-didacte d'un jeu qu'il aime par-dessus tout. A l'obsession même, sa force de travail est louée. Tout comme une humanité, qui déteint sur le caractère de ses joueuses. " Pour recevoir, il faut savoir donner, sans forcément attendre en retour". Le coach Brestois magnifie dans sa personnalité cette maxime en ayant accompli une saison exceptionnelle, unique dans les annales d'un club français: champion de D2F, vainqueur de la coupe de France féminine.

Crédit photo: Olivier Stéphan
Un athlète forme un tout dans sa personnalité, dans son expression. Pour qu'il soit bon, joyeux, et téméraire sur un terrain, il faut qu'il le soit dans sa vie personnelle. La performance est très liée à un bien-être intérieur et à une quiétude d'esprit. L'entraîneur qui comprend ou décrypte cette importance, a de grandes chances de pouvoir atteindre la lune avec un groupe. Laurent Bezeau est un minitieux du détail, de ces bribes emmêlées les unes aux autres, facteur de différence dans les duels face aux autres équipes. La victoire, comme la défaite en sport s'imbrique de tellement de paramètres, parfois indicibles à l'oeil du spectateur. Par contre, si des éléments individuels échappent à des yeux avertis, la force collective s'avère émanente et compréhensible, même aux non-initiés.
En demi-finale face à Metz, les Brestoises pouvaient fissurer à un moment donné du match à -2 (10-12, 42'). A 18 minutes de la fin, contre les championnes de France en titre, l'Arena a retenu son souffle pour la première fois du match, avant que Elodie Le Calvé-Manach ne fasse craqueler l'édifice messin. Elle était tellement apparente, ce mercredi 20 avril, la force de cette équipe. " Rendez-vous compte de la force qu'on a dans ce groupe! Rendez-vous compte des progrès réalisés. On est fort parce qu'on est ensemble!", rappelait Laurent Bezeau, dans l'intimité de ses premières paroles aux joueuses dans les vestiaires de Bercy.
La profondeur de banc, élément clé de la réussite brestoise
Cette victoire en finale contre Toulon (25-16) restera comme un exceptionnel moment vécu par les supporters bretons et brestois présents, ce samedi 21 mai, à Paris Bercy. 1.500 ont rencontré des pics de pulsations cardiaques au moment de chaque but marqué par les Brestoises, de chaque arrêt de Daniela Pereira, de chaque interception. " Nous avons fait la différence sur Toulon sur nos rotations. Nous avons fait tourner très vite au bout d'un quart d'heure contrairement à nos adversaires", expliquait Laurent Bezeau.
Cette profondeur de banc fut un leitmotiv constant de l'excellente saison de Brest. Comme ce caractère d'unité qui les fit ne pas céder à Chambray, même mené de quatre buts à trois minutes de la fin (22-22, 60'). Pour connaître cette unité de comportement, le Brest Bretagne Handball est passé par des étapes. Innombrables de répétitions dans les entraînements, mais aussi dans la confiance, l'estime et l'amitié entre ce groupe. " Je n'avais pas peur de Toulon. J'avais peur de Bercy. Que certaines de nos jeunes joueuses "pètent" en vol". Et non parce qu'elles étaient emportées par l'insouciance, et rassurées par des leaders comme Daniela Pereira ou Marta Mangue, juste énormes sur cette finale.
Un ressenti capital dans la victoire des Brestoises
Avant que Laurent Bezeau ne révèle le pourquoi de sa soudaine moustache, s'amusant même à la comparer à celle de l'acteur américain Charles Bronson. " Ce jeudi soir, les filles étaient particulièrement stressées. Elles n'arrivaient pas à jouer, à s'amuser. J'ai coupé deux fois l'entraînement sans rien pouvoir faire. Je me suis demandé toute la nuit qu'est ce que je pouvais faire pour leur alléger le poids de cette finale. Comme les footballeurs qualifiés en coupe de France, j'avais laissé pousser la barbe. Je voulais les faire rire. Pour leur dire qu'on n'en avait rien à cirer ce qu'on pouvait penser de nous, ce qui était important c'était ce que nous allions faire. Je me suis mis la moustache ridicule car on peut dire ce qu'on voulait, ca ne m'atteignait pas. Je suis avec elles sur le terrain. L'important était ce qu'on va faire tous ensemble pour gagner ce match. Après, j'étais pris au piège, je n'avais pas intérêt à la couper avant la finale".
Ce récit imagé et réel, Laurent Bezeau l'a pris sur un même pied d'égalité que de contrer Xenia Smits et Ana Gros sur le parquet contre Metz. La clé de la finale résidait en la capacité de ces joueuses, d'oublier l'enveloppe de Bercy pour se concentrer sur le jeu. Ne pas être inhibé par rapport au lieu, au contexte, pour rester dans ce qu'elle savait faire ensemble. Pour avoir ressenti ça ce jeudi soir, Laurent Bezeau a inconsciemment amorcé la victoire 48 heures avant. Son humilité et la force de connaître parfaitement ses racines ne l'ont pas quitté sur le podium protocolaire parisien. Il a pris soin d'être bien excentré de la photo officielle, toujours dans cette retenue extérieure qu'on imaginait intense et admiratif à l'intérieur sur la performance de son équipe. A son image, savoir s'effacer quand le moment l'exige et être un lion quand le danger s'installe. Cette subtilité le décrit bien. Le peuple Brestois, féru de sport par son côté émotionnel et jubilatoire, lui sera éternellement reconnaissant d'avoir fait vivre à des milliers de personnes des grands moments d'euphorie collective et de bonheur individuel, en cette saison 2015/2016
Christophe Marchand