Milan AC, FC Barcelone, FC Nantes, Ajax Amsterdam, Dynamo Kiev, cinq équipes icôniques des années 90, qui ont traversé le couloir footballistique du temps. A la tête de ces équipes, Sacchi, Cruyff, Suaudeau, Van Gaal, Lobanovski, cinq entraîneurs qui ont fait sortir le meilleur de leur équipe collectivement. C'est aussi un football avant l'ère Bosman, qui a dérégulé et dénaturé cette conception, même essence du football, mettant en avant un vrai projet collectif, conçu pour Nantes, Amsterdam et Kiev, au coeur de leur formation des jeunes. Le Douarneniste, Serge Le Dizet, a été au coeur de ces années de domination nantaise, de ce fameux jeu à la Nantaise. " Nantes ne formait pas un joueur à cette époque, le club formait un collectif", résume-il. Joueur à la Stella Maris en DH, à ses 17 ans, il a connu une carrière atypique, brillante, où la patience et les bons choix l'ont amenés sur un chemin inimaginable à son point de départ de Pouldavid. Sixième d'une fratrie de sept enfants, il a eu la chance ou la malchance de ne pas aimer l'école. Jusqu'à ce commentaire lapidaire de Mme Le Bihan, en 4ème, au collège Jean-Marie Le Bris, " C'est bien beau le football mais ce n'est pas ça, Serge, qui te fera gagner ta vie plus tard". 45 ans plus tard, cette phrase lui est restée, il l'a même fait partager bien des années plus tard à sa professeure principale, esquissant un sourire de complicité et de circonstances. Son destin a été peu commun, dans l'aventure du ballon rond qui n'a jamais cessé de tourner pour lui.
Légende: De la Stella Maris en DH à ses 17 ans à une demi-finale de ligue des Champions 13 ans après, avec Nantes face à la Juventus de Turin, le parcours de Serge Le Dizet, 40 ans partagé avec en trait commun la passion du football.
La Stella Maris en DH à ses 17 ans, une année ensuite au Stade Quimper, qui se transformera en un véritable propulseur, promu en équipe A par Marc Rastoll, et trois ans au Stade Rennais, au centre de formation à ses ... 18 ans ( " C'est grâce à Alain Jubert ( ex-entraîneur-joueur à la Stella Maris) que j'avais eu cette opportunité"), il fit ensuite un chassé-croisé Stade Rennais/Stade Quimpérois. Prêté deux ans à Quimper, sous l'ère Pierre Garcia, avec une 5ème place en 1985/1986 en D2 ( Langers, Gilet, Martet, Colleu, Sagna, Le Borgne, Ferrigno...), et retour au Stade Rennais jusqu'au début des années 90.
" Le Stade Rennais venait de redescendre en D2. J'avais 28 ans, avec Laurent Delamontagne, on s'était donné la même réflexion, en s'étant prouvé qu'on pouvait jouer en D1. Il avait opté pour l'Olympique Lyonnais, j'aurai du signer au FC Sochaux-Montbélliard, qui jouait fréquemment l'Europe. J'avais donné mon accord à M. Crocy, le recruteur du club sochalien. J'avertis Robert Budzynski de mon choix de ne pas rejoindre Nantes. Il m'a retourné le cerveau en me parlant de tous ses jeunes formés au club qu'il allait arriver et de mon rôle de les encadrer. J'ai senti une flamme dans son discours, qui m'a fait revirer mon choix initial. J'ai rappelé ensuite M. Crocy à Sochaux. Et à la fin de ma première année, Sochaux finissait relégué en D2 et Nantes était Européen"

A 28 ans, Serge Le Dizet arrive au parfait timing. " Aujourd'hui, partout où je passe, tout le monde me parle de mes années à Nantes. Pour presque tout le monde, ma carrière est liée à ma période nantaise", mentionne-il. Au côté des Ouédec, Loko, Karembeu, Makélélé, Ferri, N'Doram ( qui avait été repéré par le Bénodétois, Marcel Mao, au club camerounais du Tonnerre de Yaoundé), Pedros, il tenait le couloir droit de la défense.
En lien avec Patrice Loko sur la partie offensive. " Avant d'arriver à Nantes, je consommais les entraînements sans véritablement voir un lien en matchs. Jean-Claude Suaudeau nous transmettait à chaque exercice l'intêret à bien le faire, à réciter nos gammes. Par exemple, le but de Patrice Loko face au Paris Saint-Germain, ce n'est par un but qu'on a inventé, mais on l'a répété dans notre fosse d'entraînement. Ce n'était pas vraiment des automatismes, mais plus des adaptations à une situation en match. Comme avec Patrice Loko, dès qu'il me la demandait à droite, je savais que je devais lui la glisser à gauche. A la maison, notre tarif minimum était 3-0. Même en jouant à l'extértieur, nos adversaires n'osaient même plus nous attaquer. Un entraîneur comme Guardiola s'est directement inspiré du jeu de Nantes des années 90, en venant voir ou s'inspirant des enraînements de Jean-Claude Suaudeau", explique Serge Le Dizet.
32 matchs sans défaite en 1994/1995 avant la chute à la Meinau à Strasbourg (2-0), ce record français tient toujours 30 ans après, même avec l'hégémonie du Paris Saint-Germain sur les quinze dernières années, ou celle de Lyon dans les années 2000. " J'aurai aimé que ce record soit même battu par l'équipe du PSG de la saison précédente, qui incarnait ce même projet collectif que nous avions. Ca ne m'aurait pas dérangé s'il l'avait battu". Champion de France 1994/1995, demi-finaliste de la Champions League, batut par le futur vainqueur, la Juventus de Turin ( en perdant Loko et Karembeu sur l'intersaison), Serge Le Dizet a joué six ans en joueur et prolongera huit ans comme entraîneur.

" J'avais pris tellement de plaisir avec les entraînements de Jean-Claude Suaudeau ou Reynald Denoueix, à les retranscrire dans les matchs. Je suis devenu formateur avec cette fibre, gagnant la coupe Gambardella sur ma troisième année. J'ai tellement aimé mes années à Nantes en joueur, que je voulais les faire partager dans la formation des jeunes. On a parlé de moi comme le futur Suaudeau, je l'ai crû aussi à force de l'entendre, mais j'ai été broyé par la machine. J'ai fait deux ans avec les Pros, et ça s'est arrêté là. Ca a été une période de ma vie très compliquée. Tout s'est enchaîné dans le sens contraire, à ce moment pour moi. Je suis même parti à Dubaï, six mois en guise de thérapie. C'est le docteur du FC Nantes, Fabrice Bryant qui me l'avait suggéré en me disant que c'était soit ça, soit une longue dépression. Ensuite j'ai été obligé pour mes enfants de revenir sur Douarnenez. C'est là que Concarneau l'a su et m'a proposé de devenir entraîneur de leur équipe première en CFA 2. J'ai accepté pour un projet de 3 ans et je suis parti à l'issue de la première année"
S'en suit une longue période d'adjoint avec Laurent Guyot, à Boulogne/Mer, monté en D1 grâce aux éclairs de Grégory Thill, " C'était notre première expérience commune, à Laurent en tant qu'entraîneur d'une équipe première en pro et moi en adjoint. On descend en D2, et la 2ème année, on est licencié alors que le club est classée à une belle 8ème place".
Je suis tombé dans le football parce que je suivais mes frères ainés jouaient avec Christian Gourcuff et sa bande
Retrouvant ensuite la même alchimie nantaise, à Angers, avec son binôme et complice, Stéphane Moulin. " C'était aussi sa première expérience en tant qu'entraîneur des Pros, mais j'avais passé ma première expérience en adjoint à Boulogne/Mer. Dix ans extraordinaires à remonter Angers en L1 et à stabiliser le club à ce niveau. Au bout de 10 ans, il y'avait comme un plafond de verre que nous ne passions pas, on était arrivé au bout d'un cycle. On a fait l'erreur d'aller suivre Olivier Pickeu, à Caen, qui était à l'origine de notre duo à Angers. J'ai hésité aussi à le rejoindre à Valenciennes, mais je n'aurai pas été à 100%, comme cette fonction l'exige", reconnait Serge Le Dizet.
40 ans après ce long et riche parcours dans le football, joueur, entraîneur, adjoint, arrivé sur le tard et resté au gré de ses rencontres et qualités, il a été aussi au bout de sa passion d'enfance et d'adolescence, sachant aussi dans son for intérieur que c'était par le biais de sa passion qu'il avait le plus de chances de réussir et d'être lui-même à l'âge adulte.
". Malgré le succès, il est toujours resté fidèle sur ses valeurs de départ, à l'origine une famille modeste de Pouldavid. " J'ai rencontré énormément de personnes grâce au football. J'ai été un privilégié, tous les jours, j'ai été un privilégié de la vie. J'ai laissé une bonne image. Par exemple, sur ce Sébaco, à Ergué-Gabéric, quand je recroise Jean-Michel Ily, 30/40 ans après, je l'ai senti à son premier sourire, il était content de me revoir. Mes parents m'ont enseigné le respect de tous. J'ai toujours appliqué ce principe de vie. Les plus grands sont de toute façon toujours les gens les plus simples", conclut-il.
