Passant la barre des 40 ans, en mars dernier, le gardien de but de la Plozévétienne (R3), Eric Raphalen arpente toujours le deuxième jardin de sa maison secondaire, la surface de réparation du stade de la Trinité de Plozévet. Les allers-retours immuables depuis sa base penmarchaise n’ont pas sevré sa motivation. Le cap des 40 ans a même été celui d’un lâcher-prise sur une sempiternelle interrogation, celle d'ailleurs martelée par le groupe musical britannique The Clash ( Should I Stay or should i go ?). Dois-je rester ou partir ? A l’issue de la saison 2021/2022, au même moment que Nicolas Magnaux, il devait arrêter, mais pour le besoin du club au départ, il a réendossé les gants. Il ne le regrette nullement, au point de ne pas se donner de limites maintenant. Tant que le physique suit, il mesure sa chance de pouvoir jouer encore à son âge à un niveau ligue. La séance de tirs au but face à l’AS Plomelin, au dernier tour de la coupe de Bretagne (0-0, 2-1 TAB) a été symbolique de ce plaisir renforcé d’Eric Raphalen. Une attitude nouvelle, même en lien avec une discussion avec son frère, Yann ( un des tous meilleurs gardiens du Sud-Finistère sur les décennies 2000/2010).
Légende: Eric Raphalen réussit avec la Plozévétienne, un très bon début de saison dans leur poule L de R3, 4ème au classement, et encore en lice en coupe de Bretagne.
« Un gardien subit sur une séance de tirs au but. Il y’a eu ce déclic, ou plutôt cette envie de moins subir. Mon frère m’a donné quelques tuyaux sur une dernière discussion de famille, je les ai adaptés suivant mon tempérament. Je me souviens avoir dit à un joueur de Plomelin, avant son tir au but, tiens, tu n'as pas l'air en réussite, aujourd'hui. Ca paraît anodin, mais psychologiquement, c'est la dernière phrase qui reste à un tireur avant sa prise d'élan. C'est des petits trucs que je teste, mais vraiment derrière, il y'a cette envie d'être un acteur de la séance de tirs au but. Le gardien subit tout le temps le timing du tireur, il est forcé de réagir le plus vite à un choix du tireur", avoue Eric Raphalen.
Cette psychologie du gardien, floue pour un joueur de champ, qui n'a pas cette réflexion globale, pris par une approche autre, a payé face à l'AS Plomelin. En arrêtant trois tirs au but (0-0, 2-1 TAB), il a permis à la Ploz' de valider son parcours en coupe de France pour être dans les 21 dernières équipes du Finistère, encore en lice pour la finale départementale d'accession aux 32ème finale de la coupe de Bretagne.
A 40 ans, Eric Raphalen semble même avoir arrêté le temps et ce sablier qui lui montrait oppressemment ses derniers grains avec le football senior. " A cet âge, le corps décide de tout. Je prends énormément de plaisir à poursuivre. A Plobannalec-Lesconil, pour notre 5ème tour de la coupe de France, je n'arrêtais pas de dire, on profite! on profite! Ce sont des moments rares, quand on sort des vestiaires pour arriver sur la pelouse, il faut savoir les savourer ces moments. A Penmarc'h, j'ai été élevé avec la culture de la coupe de France. Je revois encore comme si c'était hier, le match face au Stade Quimpérois, que nous les éliminons avec un but de Christophe Le Goff à la 89ème minute ( Pour information, le dernier match de Raymond Kéruzoré, sur le banc du Stade Quimpérois, sur cette saison de National, en 95/96, victoire de Penmarc'h en DSR, 2-1). Face à l'AS Vitré, j'étais sur le banc, quand nous perdons aux tirs au but au 8ème tour, en 2002/2003"
Ce Carpe Diem, soulevé d'une craquelure de sa coquille des 40 ans, ressort un bienfait général avec un joueur qui a intégré le fait de ne plus être forcément décisif. " Mon plus grand regret restera à vie le match contre la VGA Bohars, saison 2021/2022. On est qualifié au 6ème tour de la coupe de France à la 90ème minute, avec ce but de Nicolas Magnaux, à la 89ème minute. Je prends un but évitable sur une frappe de Jérémy Crozon. La Plozévétienne, c'est vraiment un super club. Tant qu'on a besoin de moi, je resterai dans cet esprit-là, le jour, où le club aura une opportinuité sur le poste de gardien, il faudra qu'il la saisisse. On est à une époque où c'est compliqué de trouver un gardien de but, le vivier est moins nombreux qu'autrefois. Un gardien fait presque un tout autre sport qu'un joueur de champ. C'est un poste à part dans le football, mais il a un profil qui peut plaire aux jeunes. Entraîneur des gardiens? Oui, ça pourrait me plaire parce qu'il y'a beaucoup de choses à faire, y compris en senior", reprend Eric Raphalen.
Et sur ces bonnes paroles, au stade de la Trinité, qui porte finalement bien son nom, il se pourrait même qu'il y'ait une fontaine de jouvance, qui se cache à l'intérieur de sa superficie, ou à sa proximité. Parce que derrière l'exemple d'Eric Raphalen, qui ralentit le temps à 40 ans, il y'a a aussi Michel Henaff, le Peumeritois, qui à 47 ans, endosse toujours les gants, chez les seniors, ou même l'indétrônable Christian Strullu ( Kiki pour son nom de scène, le dimanche) qui a plus de 55 ans, contrôle toujours avec une voix de fer et des interventions de velours, son périmètre de sécurité en défense. Non, décidément, Plozévet est un club, où plus tu vieillis, plus ce club te donne l'impression de rajeunir, au moins dans la tête.