Jean-Pierre Nédélec sait se ménager ! Lui qui fut l'un des tout meilleurs crossmen bretons et des tout premiers pistards de la région, s'est octroyé entre 2008 et 2018 une pause d'une bonne dizaine d'années. La raison ? Une hernie discale tenace. L'avantage, c'est qu à 54 ans, il repart comme s'il en avait 44 et il revient aujourd'hui au premier plan avec une fraîcheur de cadet et un appétit puissance 10. Comme si le temps s'était arrêté sur son éternelle silhouette de junior première année. Une soif de courir que ce passionné licencié au Quimper Athlétisme aime à partager quatre fois par semaine avec son groupe d'entraînement. Autant dire qu'hormis le jeudi soir où il s'autorise avec sa compagne Béatrice un apéro revigorant, l'emploi du temps de l'ex coureur de l'Ulacq et du Stade Brestois est bien rempli. Une chance : deux de ses trois garçons ont plongé dans la marmite de la course à pied et Béatrice elle aussi a fini par s'y mettre. "Elle comprend mieux depuis les ressentis et les douleurs du coureur à pied", prétend Jean-Pierre. Bref, dans la famille Nédélec, tout roule ! Et tout tourne autour de la course pédestre.
Légende: Retrouvant une motivation de junior et des performances de "senior", Jean-Pierre Nédelec a retrouvé sa foulée et ses accélérations. Crédit photos: DR
Comment combler le manque ? Sevré de course à pied, qu'a fait Jean-Pierre Nédélec pendant cette longue parenthèse de 10 ans ? A vrai dire, Les soucis ont commencé à 40 ans au moment où le Quimpérois faisait son entrée dans la catégorie Vétéran rebaptisée depuis pudiquement catégorie Master. Comme si les Vétérans n'avaient pas voulu de Jean-Pierre. Mais lui - un peu à l'image de tous ces athlètes de bon niveau qui aiment à gagner, mais pas en âge - ne voulait pas non plus être considéré comme vétéran. "Mais qu'est-ce qu'ils viennent nous emmerder ceux-là ? Ils ont encore l'esprit de compétition à plus de 40 balais. Ridicule. C'est en gros ce que je me disais quand j'étais senior. Aujourd'hui, mon point de vue n'est plus du tout le même. Quand en octobre dernier, j'ai terminé deuxième des France de 5000 mètres catégorie Master à Albi, sur le podium avec ma médaille, j'étais fier comme un cadet. Le seul hic, c'est que j'ai été devancé par un Master 5. Je n'ai jamais été aussi compétiteur..."
Oui mais ces 10 années ? Comment l'athlète quimpérois les a-t-il occupées ? En pratiquant tous les sports autorisés par son hernie, bien sûr. Du vélo, de la natation ("je nage plutôt mal") et même du surf ("Ma femme me dit toujours que je passe plus de temps sous ma planche que sur ma planche mais je m'amuse"). N'allons pas chercher plus loin les secrets de sa longiligne silhouette : Notre homme s'entretenait. Et un beau jour, assez récemment en fait - en 2018 -, Jean-Pierre Nédélec est revenu à ses premières amours. Tout doucement. Sans brusquer les choses. En privilégiant comme il aime à le dire (Et Marc Cornec tient le même discours) "la qualité à la quantité". Le plaisir de courir est revenu. Vite. Mais ce n'est que depuis peu que le Finistérien a augmenté le rythme. "J'ai commencé à retrouver des sensations sur la piste, d'abord au cours d'un meeting en servant de lièvre à Béatrice Osty et puis en disputant ici et là un 5000 mètres ou un 3000 m." Le facteur qui a décuplé le plaisir ? L'émulation avec les ''petits jeunes" qu'il entraîne. Avec ses fils Damien et Sébastien en particulier (Romain le 3e fils préfère à l'athlé les jeux video). "On est allés disputer ensemble un 3000 m à Landerneau. Sébastien y a battu son record (8'42) et j'ai aidé Damien à battre le sien. En famille, ça a été un grand moment de partage. Un vrai plaisir !"
Ce plaisir de courir, c'est maintenant via la saison de cross qu'il va l'assouvir. Là encore sans trop se mettre de pression. "Avec le cross, on n'est jamais à l'abri d'une blessure, les appuis sont instables et puis gravir et surtout redescendre des talus à mon âge, c'est compliqué", plaisante-t-il. "Mais je pourrais bien donner encore du fil à retordre à mes jeunes protégés." On veut bien le croire car à bientôt 55 ans, si l'ancien champion du Finistère de cross n'a plus dans les jambes les 8'20' 13'' de son record sur 3000 m, il a encore bouclé Taulé-Morlaix en 34' 09 ("Je visais le record Master 3 de Marc Cornec (33'30) mais c'est raté"), et sur 5000 m à Albi, a claqué un chrono de 16'12. De quoi asseoir quelques certitudes en vue d'une saison de cross à la saveur toute particulière. "Mon objectif ? Participer aux France à Carhaix avec l'équipe du QA ou en individuel."
Quand on discute avec Jean-Pierre, on ne voit jamais le temps passer ! Je lui aurais bien rappelé encore une anecdote révélatrice de sa passion, qui m'avait fait bien rire à l'arrivée du cross de Bannalec en 2021. C'est Loann Brélivet qui raconte : " J'étais en tête de la course et le circuit avec ses méandres faisait que je croisais des coureurs attardés. Tout à coup, je me retrouve en face de Jean-Pierre qui avait encore la force de me donner des conseils sur la posture, le relâchement etc. Il ne me lâche jamais !". Sacré Jean-Pierre ! Je lui aurais bien rappelé encore ce sprint mémorable qu'il disputa à Plonéour Lanvern aux Finistère de cross contre un certain Benoît Nicolas titré pour la première fois en Espoir. Oui, nostalgique comme je le suis parfois, je serais bien resté discuter de cette belle époque de cross avec Jean-Pierre. Mais je ne voulais surtout pas user de son précieux temps. A moins que jeudi prochain, je ne débarque à l'apéro chez les Nédélec ? Je vais y réfléchir.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec