Whouaf, Whouaf !!! C'est par un concert d'aboiements que j'ai été accueilli, lors du championnat de Finistère de cross, le 12 décembre dernier. C'est que Bannalec a depuis quelques années l'heureuse idée d'organiser un Canicross et de le caler entre deux courses d'humains. Un Canicross ? J'imagine qu'en lisant ces quelques lignes, certains ricanent sous cape tandis que d'autres pouffent tout haut ! Et j'avoue que longtemps je ne fus pas le dernier à me gausser ! Mais avec l'âge, on s'attendrit et je suis devenu à mon tour sensible à la cause animale. Je me suis même surpris à susurrer des mots tendres à l'oreille d'un Golden Retriever, c'est vous dire ! Mais voilà que je m'égare ! Plus sérieusement, revenons à notre sujet. Car le canicross, c'est du sérieux ! Sont ainsi exigés avant de prendre le départ, photocopie des vaccinations du chien (l'équivalent du passe sanitaire en somme), numéro de puce et sac à crottes car ainsi que le stipule le règlement, l'humain est responsable des déjections de son chien. Mais que faire lorsque, comme j'en fus le témoin privilégié, le caniche pose sa crotte au beau milieu de la course ? Cela le règlement ne le dit pas. Bref ! Pour le reste, c'est tout le matériel adéquat qui est de rigueur : laisse ou longe avec amortisseur, harnais de traction pour le chien et ceinture ( ou baudrier) pour le maître... Et pour ceux qui ne seraient pas convaincus du sérieux de la chose, sachez que le Canicross est affilié à la Fédération des Sports et Loisirs Canins.
Légende: Hervé Tymen ne forme qu'un sur la course, avec sa chienne croisée Border Collie, Aika. Crédit photo: Daniel Roignant
En dehors de cela, ce qui différencie une course d'humains d'un canicross, c'est le niveau sonore, l'ambiance. Ya d'la joie dans le peloton ! Personne ne tire la gueule ! Avant le départ, une fois terminé le traditionnel échauffement, on se salue ! Attention : Pas de poignée de main virile ici, de celles qui vous fracassent les phalanges pour vous dire "Mon coco, je vais t'écraser tout à l'heure". Non, entre toutous bien élevés, on se renifle délicatement le derrière ou les coucougnettes, c'est selon ! Mais sans animosité aucune.
Le profil des participants ? On y retrouve comme dans un peloton d'humains, à peu près tous les formats et gabarits : du caniche nain au berger allemand en passant par le lévrier ou le lundehund norvégien, chacun est représenté sans aucune discrimination. Bon ! vous allez me dire que toutes les races ne sont pas égales et qu'on aurait pu imaginer une compétition par catégorie de chien.
Mais comme en course pédestre, les petits créent parfois la surprise. Et puis quand le petit tire la langue, il est plus facile pour son maître de le traîner, non ? C'est la réflexion que je me faisais quand je l'ai aperçu alors que chiens, maîtres et maîtresses étaient sous les ordres du starter. Au beau milieu du peloton, un duo radieux, la douce Aika, une petite chienne croisée border collie et berger australien drivée par Hervé Tymen (1), figure éminemment sympathique, bien connu(e) dans le milieu de la course à pied. Mes favoris de coeur ! Et j'en ai immédiatement eu le pressentiment, un couple avec lequel j'aurais plaisir à dialoguer sitôt la ligne franchie.
PAN ! Le pistolet du starter a quelque peu effrayé Aika. "C'était sa première compétition", me confiera plus tard Hervé. Mais sous les vivats des spectateurs (pour la plupart des congénères tenus en laisse sur le bord du circuit), Aika et Hervé se sont rapidement frayé un chemin au coeur du peloton. Est-ce que c'est Aika qui traînait Hervé ou Hervé qui traînait Aika ? Visuellement, on n'aurait su le dire et comme je découvrais la discipline, il a fallu qu'Hervé m'explique la relation chien/humain.
"Le chien s'adapte à ton rythme (à moins que ce ne soit le contraire ?), m'a t-il dit alors qu'il reprenait difficilement son souffle (Aika en revanche semblait fraîche comme un gardon). Tu ne cours plus tout seul (Ca m'a rappelé le fameux you ll never walk alone). C'est une course d'équipe, un vrai plaisir, favorisé par le format court de la course (4 kms). Et il faut que ça le reste. Pas question de toute façon d'aller au-delà des 10 kilomètres avec Aika. Ce sont des distances réservées aux spécialistes, aux chiens de traineaux." Tandis que nous conversions, la compagne d'Hervé flattait la petite Aika qui avait l'air de lui dire "T'as vu de quoi je suis cap." Et quand Hervé a ajouté "Ce chien, c'est une crème ! On était faits pour se rencontrer", c'est bête mais je me suis dit un peu comme Porco Rosso en extase devant les frasques de sa petite nièce dans le dessin animé de Miyazaki, que le monde n'était pas encore foutu.
(1) Hervé Tymen fait également partie de l'organisation des Foulées douarnenistes qui auront lieu le 16 janvier 2022.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec