Les discoboles de Landerneau: pour la beauté du geste
Lirez-vous cet article jusqu'au bout ? Avant de tourner la page et de passer votre chemin, une petite devinette. Arrêtez-vous aux trois photos qui l'illustrent... De quel sport s'agit-il donc ? Non, ce n'est pas de la danse classique mais avouez que si l'on avait éliminé la photo de Franck, le solide gaillard au physique de rugbyman, on aurait pu s'y méprendre. Mais Johanna et Carla ne sont pas non plus des ballerines même si dans la gestuelle, il y a d'évidentes similitudes entre les deux disciplines... Non, ce sont des lanceuses de marteau et de disque. Le lancer, ce n'est pas votre tasse de thé ? C'est bien dommage car si vous souhaitez rencontrer des sportifs passionnés, ouverts, intelligents et drôles, des puristes, des perfectionnistes, des amoureux du beau geste, il faut aller voir les lanceuses, il faut aller voir les lanceurs ! Le lancer, c'est la perfection du geste, l'athlétisme dans toute sa pureté, un retour aux sources, aux origines de l'athlé quoi ! Le sport absolu, malheureusement trop souvent boudé par les médias. A réhabiliter de toute urgence !
| Légende: Carla Salou est une des toutes meilleures spécialistes frnaçaises, dans sa catégorie jeunes, au lancer du marteau. Crédit photo: DR |
C'est le reporter aux mille facettes, l'inévitable Pierre Lharidon, alors que nous cheminions vers Bannalec, pour couvrir un meeting des lancers longs, qui m'avait donné le tuyau : "A Landerneau, il y a un entraîneur passionné, Franck Lecoq, qui fait revivre les lancers." Je suis allé rencontrer le bonhomme. Je n'ai pas été déçu. "22 lanceurs dont certains - je pense à Matéo Lecoq ou à Carla Salou - qui figurent parmi les meilleurs Français dans leurs catégories, quel est le secret de la dynamique à Landerneau ?" La réponse a fusé. "Il faut un entraîneur qui bouge un peu son cul. C'est bien simple, mes athlètes, s'ils ne viennent pas à l'entraînement, je les inonde de SMS. Mais à l'entraînement, on ne s'ennuie jamais. Je crée une émulation, des petits challenges. Par exemple, je promets un Mac Flurry (Là, j'ai dû demander ce que c'était) à qui dépasse les 40 mètres. On s'amuse mais on bosse. J'en ai viré deux du groupe non pas parce qu'elles n'avaient pas le niveau, ça je n'en ai rien à faire, mais parce qu'elles foutaient le bordel. Quoi d'autre ? Je les emmène sur de grosses compétitions. Il y a trois ans, on est parti en stage au Portugal et on en a profité pour assister à la Coupe d'Europe des lancers. On y a vu de grosses pointures. Forcément, ça donne envie..."
Manifestement, le gaillard sait y faire, ce que m'a confirmé l'une des pépites du club, Carla Salou, championne de Bretagne minime du marteau et du disque l'an dernier avec à la clé dans cette dernière discipline, le record du Finistère (38,04 m) soit la meilleure perf française de l'année. "Franck, a t-elle dit, sous le regard attendri du coach en question, c'est quelqu'un de très investi, de très encourageant, de très motivant, qui sait créer une bonne cohésion de groupe."
Il faudrait le multiplier comme les petits pains ce Franck Lecoq, lui élever une statue (genre discobole de Myron)! Difficile en tout cas d'expliquer le (relatif) oubli dans lequel est tenue en France une discipline pourvoyeuse de médailles. Trop d'athlètes bodybuildés ou dopés auraient nui à la discipline et découragé les vocations ? "Cela, c'était vrai avant, m'a coupé Franck. Mais pas besoin d'être un Hercule pour performer. A titre d'exemple, la dernière championne olympique de disque Valarie Allman fait 1,83 m pour 75 kilos."
J'ai eu une pensée émue (les plus anciens lecteurs de Newsouest s'en souviendront) pour la gracile Micheline Ostermeyer, pianiste renommée et championne olympique de disque à Londres en 1948. C'est donc cela le secret : Vitesse et technique valent autant que force. Et pour ce qui est des conseils techniques, tandis que nous conversions aimablement et que le concours de disque se déroulait, le sympathique entraîneur landernéen n'a cessé d'en distiller.
"On lance d'abord avec les jambes". "Grandis-toi ! Lève la tête. " "Va pousser plus fort à gauche !" "Fais des mimes (Et Carla de mimer un lancer entre deux jets)" "Toujours regarder où part le disque (Là, c'était pour moi qui m'étais approché imprudemment de l'aire de lancer)". Coach Franck sait encore à l'occasion se montrer encourageant quand il y a un coup de moins bien. "C'est pas grave. Tu seras prête au printemps prochain." Il me tarde déjà d'y être pour suivre l'évolution des lanceurs et lanceuses du Pays de Landerneau Athlétisme et d'ailleurs...
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec