Romain Jouan (TC Douarnenez) : Padel un jour, Tennis toujours...
Le mieux placé pour comparer tennis et padel, c'est sans doute le Nord Finistérien Romain Jouan passé au Sud (Finistère), l'ex numéro 200 à l'ATP, celui qui a épinglé Fognini et Dimitrov à son tableau de chasse. C'est que le charismatique prof du Tennis Club de la Baie de Douarnenez joue sur les deux tableaux et qu'il enseigne les deux disciplines. Avec la même ferveur ? La formidable expansion du padel (plus de 500 000 pratiquants à ce jour contre 50 000 en 2018) constitue-t-elle une menace pour le tennis ? Romain Jouan nous dit tout sans jamais se dérober, ce n'est de toute façon définitivement pas son genre...
Légende: Le padel gagne du terrain, au détriment du tennis. La parole à un spécialiste du sujet avec Romain Jouan, ex n°200 ATP. Crédit photo: DR
Romain, dirais-tu que les deux disciplines sont comparables ?
Question délicate ! Le padel, c'est un mix entre squash et tennis ; et entre padel et tennis, les fondamentaux sont naturellement similaires, je pense par exemple à la volée. Pour les débutants, on peut dire que les disciplines sont comparables mais à un niveau supérieur, ce n'est pas le cas. Au padel c'est essentiellement la tactique qui prévaut. Pour simplifier, le padel est un jeu de construction quand le tennis est davantage un jeu de destruction.
Est-ce à dire que l'on peut être un excellent tennisman et un médiocre joueur de padel ?
Avoir un bon niveau au tennis, cela offre des facilités et des bases pour comprendre le padel au début. C'est moins évident je pense quand on passe du squash au tennis. Si je prends mon cas, je peux dire que j'ai un niveau correct grâce au tennis. Mais pas de miracle : je ne m'entraîne pas suffisamment pour l'instant pour prétendre à un niveau supérieur.
Un récent article paru dans Ouest France parle de padelmania. Comment expliques-tu l'incroyable essor de la discipline ?
Si en Bretagne la progression est récente, cela fait déjà un moment que le padel a connu cet essor dans le Sud de la France et en région parisienne. Et en Espagne, c'est le sport de raquette numéro un devant le tennis. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette explosion : D'abord, la progression du padel s'est faite à travers sa visibilité, les droits télé que Canal Plus s'est approprié par exemple. Autre chose qui a beaucoup contribué au développement de la discipline : la Fédé de tennis a pris le padel sous son aile. Il se trouve que l'activité est très rentable pour les clubs. Mais ce qui séduit avant tout les pratiquants c'est à la fois le côté accessible (comme pour le golf, n'importe qui peut y trouver son compte) et convivial : on est 4 à pratiquer et ça se termine très souvent autour d'un apéro ou d'un barbecue…
Est-ce que tu vois dans ce développement une menace pour le tennis ?
Les puristes du tennis disent que oui. Mais si on reprend l'exemple de l'Espagne, le formidable développement du padel n'empêche pas le tennis de très bien se porter à côté. Moi j'y vois un côté positif : c'est une nouvelle discipline de raquette qui amène beaucoup de monde dans les clubs. Et quand je repense au tournoi de padel organisé par le Tennis club de la Baie à Douarnenez, il a été vécu comme un grand moment de partage et de convivialité.
Tu donnes à la fois des cours de tennis et de padel. Tu n'as pas l'impresion de trahir ta discipline originelle ?
Honnêtement, le padel ce n'est pas une discipline qui m'intéressait au départ. Mais j'ai suivi une formation pour enseigner puisque cela faisait aussi partie du projet du club de Douarnenez que de développer le padel et mon regard a changé positivement. A titre personnel, c'est un complément d'activité pour moi c'est vrai mais j'y vois aussi un intérêt : celui de se diversifier. Et en tant que joueur, je me dis aussi que le padel, c'est une discipline qu'on peut pratiquer à un bon niveau jusqu'à 50/60 ans. C'est beaucoup moins évident au tennis.
C'est compliqué à enseigner le padel et on a vraiment besoin de prendre des cours pour débuter?
Ce qui est compliqué, c'est surtout l'aspect tactique de la discipline, savoir par exemple chercher les faiblesses de l'adversaire, construire les points. Techniquement, c'est peut-être plus facile que le tennis à la base mais quand on monte en niveau ça se complique, il faut apprendre à maîtriser les effets. Et sinon, oui, j'invite les débutants à prendre des cours ne serait-ce que pour se familiariser avec la structure et acquérir les bonnes bases.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec