Quelle est selon vous LA qualité première d'un entraîneur/coach sportif ? Appliquée sans distinction aux sports individuels et collectifs, la question peut paraître abrupte voire réductrice ("La qualité essentielle, c'est justement d'en avoir plusieurs, techniques, humaines et pédagogiques", me taquine notre championne du Monde de duathlon Sandrine Lévénez). Pourtant c'est sans sourciller (et avec un plaisir mal dissimulé :) que quelques personnalités sportives reconnues (et moins connues) - coaches, athlètes ou dirigeants - ont accepté de se prêter au jeu. Quel est le secret d'une relation entraîneur/entraîné(e) épanouie et fructueuse ? Quel est le profil du coach idéal ? Son portrait robot esquissé ci-dessous !
Légende: A chacun sa recette du coaching gagnant,si la recette peut varier, des ingrédients restent essentiels et de base à toute réussite du coup;e entraîneur/entraîné. Créditi photo: DR
Parfois impertinent mais toujours pertinent, Erwan Thomas, tennisman quimpérois (accessoirement prof de Lettres), renvoie dans les cordes toutes celles et ceux qui n'ont de leur sport qu'une connaissance imparfaite. " Difficile de mettre une seule qualité en avant mais la base pour le coach sportif, c'est la connaissance encyclopédique de son sport (histoire du jeu, évolutions techniques et stratégiques)."
Intéressant ! C'est dire que le coach de tennis idéal ne peut ignorer qu'à Wimbledon (1980) au terme d'un célèbre tie-break remporté 18 à 16, McEnroe poussa Borg au 5e set. Qu'on se le dise : Le coach idéal doit d'abord maîtriser son sujet.
Les bases une fois posées, nos interlocuteurs ont souvent mis en avant une qualité en voie d'extinction : la capacité d'écoute. C'est qu "avant de communiquer et de transmettre, il faut observer, écouter, se rendre disponible", avance Jean-Pierre Nédélec, l'entraîneur du Quimper Athlétisme.
Une remarque corroborée par l'escrimeuse internationale Cécilia Berder. "La principale qualité du coach, c'est sa qualité d'écoute pour s'adapter et comprendre les besoins de ses athlètes. Une bonne écoute apporte de la bienveillance, de la confiance et une solidité dans le projet commun, éléments indispensables dans la construction d'un projet sportif." Lauriane Truchetet, l'ex entraîneure du Quimper Volley 29, reconvertie en coach sportive abonde dans leur sens. "Tu dois comprendre qui tu accompagnes, son fonctionnement, ses valeurs pour trouver le bon levier de motivation et de progression. Je ne fais pas partie de ces entraîneurs qui collent une méthode qui a réussi à leurs sportifs, je préfère comprendre réellement qui j'entraîne." Sandra Lévénez précise : "L'entraîneur est un modérateur : il sait écouter et entendre son athlète, explique pourquoi on fait ce travail plutôt qu'un autre afin que l'athlète donne du sens à ce qu'il fait, mais en définitive c'est lui qui donne l'orientation."
Ecouter l'athlète pour mieux s'adapter à ses besoins, voilà une idée récurrente dans les propos de nombre de coaches et d'athlètes. "S'il y a des bases et des fondamentaux propres à chaque discipline sportive et à l'entraînement, chaque athlète est unique, chaque athlète a son histoire, chaque athlète a ses envies, projets et rêves sportifs. S'adapter et composer avec cette réalité de l'environnement et de l'athlète est une des qualités de l'entraîneur", pose Sandra Lévénez.
"Adaptabilité, c'est l'un des premiers mots auxquels j'ai pensé quand tu m'as posé la question, me confie, Cyrille Le Nader, l'éducateur du Quimper Athlétisme. L'idée, c'est de s'adapter à l'individu, de se mettre à sa place, dans sa tête." "Etre capable d'identifier très rapidement les forces et les faiblesses d'un individu ou d'un groupe", précise Jean-Pierre Nédélec. C'est exactement le point de vue de l'athlète internationale Agathe Guillemot : "L'entraîneur a bien sûr sa vision des choses mais il doit pouvoir la personnaliser, il a ses grands principes mais il doit pouvoir les adapter à chacun de ses athlètes."
Erwan Thomas (encore lui :) parle d'un discours "adapté et motivant pour chaque joueur". "S'adapter aux personnalités et préférences des joueuses et membres du staff en essayant de trouver une certaine harmonie de travail", enchaîne Romain Corre, qui a en charge le centre de formation du Brest Bretagne Handball. D'autant plus délicat quand au sein d'un groupe, on a affaire à un public disparate. "Dans un même cours, je peux me retrouver avec des adultes, des ados, des personnes en situation de handicap et chacun doit arriver à un résultat adapté à ses capacités", témoigne Mathilde Rouault, coach de crossFit dans une salle quimpéroise.
"D'autant plus délicat dans mon cas avec les changements liés aux états de forme, blessures et Covid, reports de match, les emplois du temps qui diffèrent entre toutes les joueuses (toutes étudiantes au centre de formation du BBH)", renchérit Romain Corre.
S'adapter, c'est aussi s'adapter à l'adversaire. Et aux yeux de Pierre Coat, dirigeant de l'Espoir Basket Quimper Cornouaille, le coach idéal, c'est celui qui est capable en cours de partie d'inverser le cours des choses. "Comme un joueur d'échecs, il joue avec son équipe. J'adore l'intelligence tactique de ceux qui sont capables de changer leur plan de jeu en fonction de ce que propose l'adversaire." Erwan Thomas (je sais, je lui ai beaucoup donné la parole et il ne s'est pas fait prier pour la prendre !) qui parle d' "analyse pertinente du jeu de l'adversaire pour créer une stratégie efficace", ne voit pas les choses autrement. En d'autres termes, c'est encore ce que dit Romain Corre : "Le bon coach, c'est celui qui sait s'adapter aux imprévus en match (faits de jeu, tactique surprenante de l'adversaire, atmosphère et enjeu sur la fin de match) en ayant à l'esprit de faire la meilleure perf possible."
Le parfait coach, c'est encore (au même titre d'ailleurs que l'athlète) celui qui sait se remettre en question, "faire preuve de créativité, d'originalité, de renouvellement dans la construction des séances" (Cyrille Le Nader). "Il doit être CURIEUX, insiste Agathe Guillemot, avoir soif d'apprendre et ne pas se contenter de ses acquis.
" Presque un chercheur , "précis et opiniâtre" (Pierre Coat). Une attitude indispensable quand il s'agit d' "optimiser au mieux les capacités des uns et des autres pour amener le groupe ou l'individu à se surpasser" (Jean-Pierre Nédélec), "de le rendre autonome." (Sandra Lévénez). Philippe Huon, le célèbre entraîneur du TC Quimperlé n'envisage quant à lui la réussite de l'athlète qu'à condition de " créer un environnement compétitif et stimulant". C'est précisément le point de vue de Sandra Lévénez : "Dans la relation entraîneur/entraîné, le dénominateur commun sera le plaisir pris dans la pratique sportive et pour prendre du plaisir, il y a la notion de progrès dont l'entraîneur est l'artisan et l'ingénieur."
Mais le coach idéal, c'est avant tout celle ou celui qui entretient une relation humaine et harmonieuse avec l'athlète. Si la majorité des personnalités questionnées ne devait en retenir qu'une (c'était le but du jeu mais certains candidats ont triché :), ce serait sans doute celle-là. La polyvalente Douarneniste Marine Férec (basket, crossFit) fait de cette relation entraîneur/entraîné(e) la condition sine qua non de la réussite sportive. "Pour moi, la qualité principale d'un entraîneur, c'est d'avoir un bon relationnel avec les sportifs, de les mettre en confiance pour pouvoir en tirer le meilleur. S'il n'y a pas cette confiance, il n'y a pas de bonne perf possible. Ce qui implique que le coach soit pédagogue et patient." La parole à Philippe Huon. "Tirer le meilleur de son athlète, ce n'est possible que s'il y a un respect mutuel entre les deux parties et comme je suis quelqu'un qui fonctionne beaucoup au feeling, l'empathie entre l'entraîneur et l'entraîné(e)est primordiale pour moi." Empathie, le mot est revenu à plusieurs reprises dans les propos des uns et des autres.
Dans ceux de Cyrille Le Nader. "Empathie, c'est le premier mot que j'ai coché, on doit privilégier le contact humain." "Entre entraîneur et entraîné(e), le dialogue doit être transparent, la confiance totale,il ne doit pas y avoir de non dit", ajoute Agathe Guillemot. Sandra Lévénez la rejoint quand elle évoque "une relation de confiance mutuelle". "Il faut aimer les gens", condense Lauriane Truchetet. Qu'au final la dimension humaine prime, on ne peut que s'en réjouir ! Dans un langage imagé qui n'appartient qu'à elle :) Sandra Lévénez résume ainsi la qualité de la relation : "L'entraîneur est un Guide, un guide de l'entraînement bien sûr, dont l'association avec son athlète va être un voyage et un cheminement."
Et si on laissait le mot de la fin à l'intarissable Erwan : " Au premier rang des qualités requises, n'oublions pas l'humour qui permet une saine distance. le sport, ce n'est jamais qu'un jeu !" Pas faux !
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec