Mickaël Le Bot vous révèle tout ce que vous avez voulu savoir sur l'arbitrage
Footballeurs, footballeuses d'ici et d'ailleurs ... Son visage vous est forcément familier. Et pour cause, depuis 20 ans qu'il arbitre, le Pleybennois, Mickaël Le Bot a écumé à peu près tous les terrains de la région. Si on le voit beaucoup, on l'entend peu. Mais si la parole des réprésentants du corps arbitral est rare, elle n'en est pas moins précieuse. La preuve avec cet entretien mené sans tambour ni trompette (mais avec un sifflet !).
1. Le parcours d'arbitre
Mickaël, quelles sont les grandes lignes de ton parcours en tant qu'arbitre ?
"J'ai passé mon premier examen le 12 décembre 2002. Je n'avais pas 14 ans. En 2007, je me suis porté candidat pour devenir jeune arbitre fédéral. En 2009, j'ai validé mon examen, ce qui m'a conduit à arbitrer des matches de U17 et U19 Nationaux. Pour l'anecdote, il y avait dans ma promo, un arbitre aujourd'hui international : François Letexier. A 20/21 ans, j'arbitrais en DH (l'actuelle R1). J'ai ensuite manqué à deux reprises mon examen d'arbitre fédéral, ce qui m'aurait permis d'officier en CFA. J'ai alors décidé d'en rester là et de me limiter au plus haut niveau régional, aujourd'hui la N3. Aller voir plus haut, c'était aussi beaucoup de contraintes par rapport à mon métier"
Devient-on arbitre parce qu'on a le sens de la justice ?
" Non, je ne dirais pas ça. A 13 ans, on ne devient pas arbitre pour cette raison...
Devient-on arbitre par défaut (parce qu'on n'était pas bon au foot, pour dire les choses clairement) ?
C'est un peu vrai. J'ai jusqu'à mes 20 ans cumulé arbitrage et jeu. Disons que je n'aurais jamais pu évolué en tant que joueur au niveau que j'ai atteint en arbitrage. Ce qui m'a motivé à l'origine, c'est peut-être d'avoir participé à des journées de l'arbitrage à Carhaix. Cela m'a tout de suite plu"
2. L'arbitrage en questions (et réponses)
Quelles sont les qualités d'un bon arbitre ?
" D'abord, ce qu'on oublie peut-être, c'est que l'arbitre doit être prêt physiquement. Un arbitre, c'est aussi un athlète. C'est vrai en Ligue 1 évidemment mais aussi en N3. Par ailleurs, les qualités relationnelles sont primordiales. Il faut savoir manager 22 acteurs différents et s'adapter à chacun, dès les premières minutes du match. Il faut être intelligent dans la façon de communiquer. Il faut enfin du courage au moment de prendre des décisions qui ne sont pas toujours faciles à prendre dans un sport où l'arbitre est facilement décrié.
Quel genre d'arbitre es-tu ? Autoritariste, autoritaire, bon enfant, laxiste ?
" Je dirai que j'ai évolué avec la maturité. Plutôt que de verser dans l'autorité, aujourd'hui je privilégie le dialogue. Quand tu prends de l'expérience, tu communiques davantage. Il faut savoir aller vers le joueur, faire le premier pas, désamorcer les situations tendues. C'est d'ailleurs un aspect très plaisant du travail d'arbitre."
Dirais-tu que le foot est un sport compliqué à arbitrer ?
" La complexité tient surtout à la rapidité de la décision que tu dois prendre. A notre niveau, il n'y a pas d'arbitrage video et il faut savoir une fois une décision délicate prise, faire face à une éventuelle contestation. Mais à travers les différents stages et formations, on est préparé à faire face à de nombreuses situations de jeu."
Est-ce que plus le niveau est bas, plus l'arbitrage est compliqué ?
" Oui, c'est vrai. En N3 ou en R1, c'est très agréable d'arbitrer. Déjà, il y a la présence d'un délégué et les formalités administratives sont simplifiées. Et puis, globalement, l'arbitrage est mieux compris et accepté. Si je prends mon cas, j'aime bien autant que possible laisser le jeu se développer, ce qui peut facilement être source d'incompréhension et de contestation à un niveau moindre. Mais au plus haut niveau, je pense que c'est encore différent avec la pression médiatique et les enjeux financiers".
Tu t'es déjà senti menacé sur un terrain ?
Oui, ça m'est arrivé au moins à deux reprises. En U 17 Nationaux. Deux joueurs suite à une exclusion voulaient me frapper avant d'être empêchés. J'ai aussi plus récemment le souvenir d'un après match délicat mais c'était le fait de l'entourage. Un débordement de supporters. Il y en a davantage depuis la reprise post confinement. Pas que au plus haut niveau...
Qu'est-ce qui t'agace au plus haut point sur un terrain ?
Sans doute la contestation pour un fait mineur alors que par ailleurs le match se déroule bien.
On imagine qu'il y a aussi des moments plaisants sur le terrain.
Bien évidemment. Même si on est indemnisé, on fait avant tout ce travail par passion du foot. Et puis le foot me permet d'être acteur, d'être au coeur du jeu.
Es-tu stressé avant de rentrer sur le terrain ?
Non, je l'ai été au début mais plus du tout. Il y a plutôt une forme d'adrénaline et d'excitation d'avant match.
Que se passe-t-il dans l'intimité du vestiaire de l'arbitre avant le match ou à la mi-temps ?
Avant le match, en dehors du rituel des formalités administratives, l'arbitre donne sa vision des choses à ses assistants pour qu'ils se calquent sur son arbitrage. Il rappelle le contexte du match. A la mi-temps, on échange sur ce qui a marché ou pas.
L'arbitrage t'a beaucoup appris sur toi-même ?
Absolument. J'ai l'habitude de dire que l'arbitrage a été comme une deuxième école pour moi. Je ne serai pas, aujourd'hui, directeur d'agence bancaire si je n'avais pas arbitré. J'y ai appris le sens des relations humaines, j'y ai appris à garder mon calme et mon sang froid en toutes circonstances, à dédramatiser les conflits...
3. L'évolution de l'arbitrage
Depuis que tu officies, est-ce que le rôle de l'arbitre a évolué ?
Non, pas vraiment. Il y a eu quelques modifications dans les règles, généralement pour favoriser un jeu rapide mais la finalité reste la même.
Il y a encore peu de femmes au sifflet ? Le foot reste-t-il un sport macho ?
Peut-être que c'est encore plus compliqué pour une jeune arbitre en formation d'arbitrer des gars. Etre accompagné, c'est très important à ce stade. Mais je crois que globalement, l'évolution va dans le bon sens et qu'on verra de plus en plus de femmes arbitrer.
La VAR, tu es pour ou contre ?
Pour comme la plupart des arbitres. C'est primordial dans certaines situations de jeu (simulations, penalties) de pouvoir s'appuyer sur l'arbitrage video.
De quel sport pourrait s'inspirer l'arbitrage footallistique?
Le rugby, autre sport de duel et de contacts. L'arbitrage y est parfaitement respecté. Et au plus haut niveau, grâce au micro qu'ils portent, les arbitres peuvent être entendus, ce qui humanise l'arbitrage et désamorce la contestation.
4. Divers
Etre appelé "Monsieur l'arbitre", ça fait plaisir ?
Je trouve ça normal. "L'arbitre", ce serait un peu familier. Me faire appeler par mon prénom aussi.
Courir à l'envers (en arrière), c'est compliqué ? Tu n'es jamais tombé ?
Cela a pu m'arriver de heurter un joueur. Il faut être vigilant, c'est tout.
Seul devant un match de foot diffusé à la télé, tu t'emportes contre l'arbitre ?
Jamais. Même si je supporte une équipe.
Il y a des joueurs qui t'ont marqué dans ta carrière arbitrale ?
Oui, bien sûr.Il y a des des joueurs locaux qu'on croise et qu'on aime bien arbitrer. Des joueurs avec lesquels on prend plaisir à dialoguer. La confrontation peut être saine, c'est par exemple le cas avec un joueur comme Mickaël Le Bescond (Stella Maris), un footballeur qui aime son sport et qui peut parfois être victime de son tempérament. Mais si je suis amené à le sanctionner, dès que le match est terminé, c'est oublié et on discute aimablement. Je préfère d'ailleurs un match où il y a une certaine intensité à un match où il ne se passe rien. Par ailleurs, j'ai eu la chance d'arbitrer en catégorie Jeunes des futurs grands du foot : Pogba, Varane, Pavard, Ben Yedder ou encore Aréola. Un souvenir marquant encore: en Gambardella, le festival de Thomas Lemar qui jouait à Caen et avait marqué un triplé alors qu'il était surclassé.
Rubrique Carte Blanche à Marc Férec
Propos recueillis par Marc Férec