Une vraie bourrasque s'est abattue, en fin de saison sur le FC Penn Ar Bed, avec la culbulte de l'équipe fanion et réserve, qui a entraîné par mécanisme celle de la C, pourtant maintenue sportivement en D3. La conséquence a été une intersaison agitée avec onze départs, soit une équipe entière. Dans la difficulté, le FC Penn Ar Bed s'appuie sur la fibre imbibée des couleurs jaune et rouge de ses membres. Le bureau du club a décidé de confier les rênes de l'équipe à une femme, Praxède Le Seignoux, ancienne joueuse de haut niveau et éducatrice au club sur les U13, depuis l'an 2000.
Praxède Le Seignoux avec le vice-président, François Marzin
Etre dans le dur, à un temps donné, est une étape mouvementée de la vie, source à un repli sur soi et une interrogation intérieure pour trouver une sortie de tunnel. Dans le sport collectif, soumis à des cycles de croissance et décroissance, ils sont forcément vécus avec angoisse, mais également facteur d'une énergie pour se ressouder autour du club, pour faire bloc ensemble et ne pas attendre que la solution ne vienne de l'extérieur. C'est aussi un formidable miroir pour révéler la vraie facette des personnes qu'on connaît, ou croit connaître. Quand le poste de coach était vacant, une recherche extérieure a d'abord été privilégiée. Sans succès, avant d'entrevoir en interne la solution avec Praxède Le Seignoux. " Je ne m'attendais pas du tout. Je me suis donné une semaine de réflexion. J'ai accepté malgré une appréhension au début. Le club a su m'accueillir quand je suis arrivée dans la région en 2000. Les dirigeants m'ont fait confiance en me donnant la responsabilités des U13 en 2000. C'est une manière de rendre ce qu'on m'a donné. Je le fais pour ce club car nous devons tous donner pour nos couleurs", précise Praxède Le Seignoux.
J'exige un respect de l'arbitre.
Ancienne joueuse de haut niveau dans les années 70, à Rouen (D1, vice-championne de France en 1975-1977), à Nebourg (Championne de France D2 en 1981), la Normande d'Yvetot a été dans les pionnières à se lancer dans l'aventure du football à haut niveau. " Nous étions des extra-terrestres dans la société de l'époque. J'ai toujours aimé passionnément le football et tous les sports de ballons. A 16 ans, j'aurais tout fait pour aller à l'entraînement. Le samedi et dimanche, je partais en vélo jusqu'à la gare d'Yvetot pour arriver en train à Rouen, et je prenais le bus pour me rendre au stade Robert Diochon. Je pense qu'une fille peut apporter énormément à un groupe de garçons. Athlétiquement, physiquement, nous sommes moins fort mais mentalement et techniquement, nous pouvons faire valoir nos qualités".
Cette expérience a forgé un caractère de granit et blindé face à de nombreuses situations du quotidien. Arrivée en 2000 dans le Cap Sizun, à Plogoff, Praxède Le Seignoux a toujours articulé sa vie autour de sa passion du football. Educatrice en U13, jusqu'à l'an passé, elle appuie son discours autour de valeurs. Avant de parler jeu, elle insiste sur le comportement. " J'exige un respect total de l'arbitre. Je ne veux plus voir de déviance dans le comportement de mes joueurs. On ne discute pas la décision d'un arbitre. On se replace et on joue. Enfin, dans le jeu, je prône avant tout la simplicité, un contrôle, une passe. Je veux un esprit de groupe. Quand je jouais, nous étions extrêmement solidaires. Si une fille avait connu un moment dur dans la semaine, le groupe se défonçait, le dimanche, pour gagner. On peut avoir plus d'amitiés avec des personnes. C'est une donnée normale. Mais quand on est sur le terrain, nous ne devons former qu'un groupe, qui se bat pour gagner".
Un esprit retrouvé de pionnière
Exhorter la fibre du club pour se sortir de l'ornière de la saison passée, le FC Penn Ar Bed se recentre sur son intérieur profond avec des joueurs, qui sont prêts à se battre pour le maintien en équipe fanion. Sans véritable attaquant, les Capistes partent pour un défi difficile. Néanmoins, cet esprit de corps, s'il est conservé dans la saison, pourrait faire la différence dans les mois d'hiver. Quand d'autres équipes s'arrêtent de s'entraîner en nombre, commencent à lâcher dans les têtes, les joueurs capistes devront eux doubler de travail. Ils partent pour une saison, qui les marquera à plus d'un point car elle est celle d'un tournant pour le club. " Je retrouve mes joueurs, presque mes mômes. Je les ai vu grandir au club. Ils n'ont pas beaucoup changé dans leur caractère. Je les sens prêts. Ils sont revanchards par rapport à l'an passé. Ceux qui sont restés ont vraiment la fibre du club".
Crée en 2001, de la fusion entre Primelin, Plogoff et Cléden-Cap Sizun, le FC Penn Ar Bed, qui avait joué jusqu'en DRH sous l'ère Yann Rohou, repart en D1 pour une opération maintien. Praxède Le Seigonux sera la seule femme aux commandes d'une équipe première senior, dans le Sud-Finistère. Avec Ghislaine Micoud, à la tête de la réserve de Plonéour FC, elle retrouve cet esprit pionnier de ses années 70 et 80 quand elle était joueuse. 30 ans après, le football féminin est maintenant reconnu et constitue une priorité de développement de la fédération française. Peut-être que dans 30 ans, cette action de nommer une femme à la tête d'une équipe masculine senior sera devenue courante. Si cette utopie d'aujourd'hui devient une réalité de demain, le football aura fait un grand pas dans son ensemble.
Christophe Marchand